lundi 15 novembre 2010

LE JEU DU TÉLÉPHONE ARABE

POTEMKINE: LE MINISTRE TSARISTE, LE CUIRASSÉ ET LE GROUPE DE ROCK
Chez les jeunes, à Arrasate et aux alentours, le nom « Potemkine » est surtout lié avec le groupe de rock’n’roll d’Oñati; un groupe dur, rocker, influencé par The Cult, Guns’n’Roses ou AC/DC et inspiré par l’élan révolutionnaire des marins du Potemkine (un curieux mélange -à certains égards même paradoxal- des cultures anglophone et soviétique, n’est-ce pas?).


On peut considérer que c’est cette même envie de dénoncer les injustices et la répression et de mythifier la révolte le moteur du film muet « Le Cuirassé Potemkine » (1925, Sergueï Eisenstein), l’un des plus applaudis chefs d’œuvres de l’histoire du cinéma. Cette mutinerie avait sans doute fait date dans le contexte de la révolution russe de 1905 et c’est devenu, après le succès de la Révolution d’Octobre, une référence historique et cinématographique incontestable pour la propagande politique et culturelle de l’émergente puissance communiste. (Une autre curiosité: c’est hors du commun dans l’histoire de l’art que, comme dans ce cas là, l’œuvre surpasse les faits. On ne pourrait citer que le cas de Gernika : malheureusement, à l’échelle mondiale le tableau de Picasso est plus connu que le massacre fasciste).


Mais quelle est l’origine du mot « Potemkine » ? Les russes ont baptisé le cuirassé en honneur à Grigori Potemkine, militaire tsariste et membre du gouvernement de Catherine II (nom, en même temps, d’un autre cuirassé russe du début du XXème siècle), accusé d’avoir construit des villages imaginaires pour impressionner l‘impératrice. Selon Wikipedia, les villages Potemkine étaient « de simples mais luxueuses façades érigées à la demande du ministre russe Potemkine destinées à masquer la pauvreté des villages lors de la visite de l'impératrice Catherine II en Crimée en 1787 ». De toute manière, même si, selon les biographes de Grigori Potemkine, cette accusation semble injuste et très douteuse, le concept des villages Potemkine s’est très étendu.


Ainsi, les dirigeants bolcheviques qui ont glorifié la prouesse des marins ont été plusieurs fois accusés d’avoir bâti des villages Potemkine… Le but : faire croire aux intellectuels étrangers qui visitaient l’URSS que les avances culturelles, industrielles et économiques qu’ils voyaient étaient la norme et pas, comme en réalité, l’exception. Lidia Zhigunova, linguiste qui explore dans sa thèse « Stefan Zweig and Russia » la relation de l’écrivain avec la Russie, raconte la visite de Zweig à la « patrie du socialisme ». Il était, comme avait été Catherine II selon le mythe, ébloui par  « l’homme nouveau » que la structure communiste était en train de concevoir. Toutefois, la dernière nuit de son séjour, juste avant de partir, il a trouvé dans sa poche une petite note manuscrite. L’auteur, anonyme, lui conseillait de bruler la note après l’avoir lu:
« Don’t believe everything one tells you. Don’t forget that with all that they show you, there is much that is not shown you. Remember that most of the people who talk to you do not say what they wish to say but only what they may tell you. We all are watched and you yourself no less... »
C’était l’année 1928, et l’un des plus grands et macabres « architectes » des villes Potemkine, Joseph Staline, avait déjà expulsé Léon Trotski du Bureau politique. On dirait que le crie de justice et de liberté des marins du Potemkine a été, comme dans le jeu du téléphone arabe, mal transmis et dilué au fur et à mesure que le régime stalinien se développait.

 Post scriptum: Jean Ferrat (aussi) chante Potemkine


M'en voudrez-vous beaucoup
si je vous dis un monde
Qui chante au fond de moi
au bruit de l'océan

M'en voudrez-vous beaucoup
si la révolte gronde
Dans ce nom que je dis
au vent des quatre vents 

Ma mémoire chante en sourdine
Potemkine 

Ils étaient des marins
durs à la discipline
Ils étaient des marins,
ils étaient des guerriers

Et le cœur d'un marin
au grand vent se burine
Ils étaient des marins
sur un grand cuirassé 

Sur les flots je t'imagine
Potemkine 

M'en voudrez-vous beaucoup
si je vous dis un monde
Où celui qui a faim
va être fusillé Le

crime se prépare
et la mer est profonde
Que face aux révoltés
montent les fusiliers 

C'est mon frère qu'on assassine
Potemkine 

Mon frère, mon ami,
mon fils, mon camarade
Tu ne tireras pas
sur qui souffre et se plaint

Mon frère, mon ami,
je te fais notre alcade
Marin ne tire pas
sur un autre marin 

Ils tournèrent leurs carabines
Potemkine 

M'en voudrez-vous beaucoup
si je vous dis un monde
Où l'on punit ainsi
qui veut donner la mort

M'en voudrez-vous beaucoup
si je vous dis un monde
Où l'on n'est pas toujours
du côté du plus fort 

Ce soir j'aime la marine
Potemkine

1 commentaire:

  1. "Historia arrosa" irakurtzen egon naiz, Potemkin eta Catalina II.aren artekoa...batzuk diote harreman oso estua zutela, eta kartoizko herri horiek horrelakoak zirela berak ba omen zekiela, eta beraz eszenografia bakarrik ez, aktoreak ere aldez aurretik prestatuak omen zeuden...antza denez Catalina II.ak gorteko kideei berak egindakoa erakusteko amarru bat izan zitekeen...
    bonne nuit

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